Le car rapide, c’est le très vivace théâtre vivant des contes sénégalais !
Sérieusement, montez dans n’importe quel car rapide de Dakar et vous retrouverez tous les personnages… des contes recueillis par Birago Diop, Abdoulaye Sadji, Léopold S. Senghor et Mamadou Samb ! Oui. Magique non ? Lou graw la lène di tégual nii.
Il connaît tous les raccourcis et tous les agents de circulation. Le verbe facile, c’est celui qui négocie toujours le prix du transport et trouve toujours une combine pour vous faire payer plus cher. + 25 frs pour aujourd’hui. + 50 frs demain pour le même trajet.
Celui qui raconte sa vie privée à tout le car – de l’remariage raté de son beau-frère jusqu’à la fugue de sa nièce -, qui dit qu’il est Fass alors que le car est à Castors, qui fait des promesses qu’il ne tiendra jamais et qui descend sans payer en prétextant qu’il connaît le chauffeur. Il est aussi prêt à se battre pour vous le prouver.
Celui qui impose ses règles dans SON car, démarre en puissance et pile sur le freinage quand il veut. Car bi di melni accordéon ! “Togual wala ngua wathieu, sama car rapide la nd**** !” (Restes et sors du véhicule, c’est mon car) Non, il ne tolère aucune contestation.
Le taffoukat ! Celui qui tisse sa toile dans la foule et qui disparaît avant qu’on s’aperçoive de quoi que ce soit. « Ana sama kalpé ? » (Où est mon portefeuille ?) s’écrira un naïf client à un moment donné.
Celui qui annonce les arrêts, qui raconte les embouteillages, qui donne des nouvelles de la ville, de la politique, de l’économie tout en gérant le groupe whatsapp des « apprentis ». Il connaît tous les « cas » et détient de ces lomotifs ! Vous n’en croirez pas vos yeux.
Cette femme qui, sans sciller, sans grimacer, voyage avec ses bagages, ses enfants, ses marchandises, et gère tout avec un calme olympien malgré les bousculades, les freinages brusques et embouteillages.
Morale : Nos contes vivent encore, ils ont juste changé de décor !


